Ce matin, je lisais le fil de nouvelles via mon téléphone et j’y ai vu un article parlant de BookTok et Joël Dicker, mais c’est Frédéric Beigbeder, dans cette histoire, qui a attiré mon attention.
”Pour moi, ceux qui admirent des guides de développement personnel ou des feel-good books, ça s’appelle des incultes. Qu’ils étudient l’histoire de la littérature et ensuite, on discutera » Frédéric Beigbeder
Je suis d’accord avec Frédéric Beigbeder au sujet des livres présentés sur TiKTok et les médias sociaux en général. Un amas de livre positif, Littérature jeunesse et Feel-good, ce sans compter la panoplie de livres de développement personnel calqués sur les philosophies de Napoleon Hill adaptées à toutes les sauces de notre époque.
Toutefois, TikTok pourrait être la solution pour présenter la littérature et son histoire à un public qui se nourrit principalement de livres fast-food qu’ils aperçoivent chez leur créateur de contenu préféré. Je consomme de la littérature fast-food et des livres sur le développement personnel, cependant, je consomme aussi des œuvres littéraires de Beigbeder, Nothomb ou encore des classiques littéraires comme Maupassant, Baudelaire, Poe et j’en passe. J’ai un regard nuancé sur la littérature et les médias sociaux. TikTok pourrait être bénéfique à la culture.
Ce regard nuancé, je l’apporte en étant entre deux générations; entre celle où Frédéric Beigbeder pourrait être mon père et celle où la jeunesse consommant les booktoks pourrait être mes enfants. Littéralement! Parenthèse anecdotique : Cette semaine, j’ai vu le fils d’une ancienne connaissance de mon âge. Le garçon est rendu à 19 ans. Alors oui, la génération consommant TikTok, je pourrais être leur mère.
Lors d’une récente visite dans une librairie Indigo, immédiatement en entrant, j’ai été complètement abasourdi de voir une table dédiée aux booktoks. Ma fille de 9 ans trouvait ça vraiment cool de voir le logo de TikTok à la librairie. Pour ma part, j’étais curieuse de voir ce que TikTok suggère comme œuvre littéraire. La curiosité de voir ce que l’application recommandait était à son comble. Je me suis mise à regarder la sélection de livres présentée sur la table. Est-ce que je trouverais un livre intéressant ou je ferais face à de la littérature jeunesse pour adolescente mièvre? La redondance de la thématique des livres était palpable. Des romans tous sur la même thématique, des résumés similaires et des livres adressés à un public d’adolescents ou jeunes adultes. Ma pensée en ce moment : la littérature outre que celle présentée devrait avoir sa place sur TikTok.
Beigbeder et la pop culture
Beigbeder est un auteur français, à mon avis, le plus intéressant à lire de notre époque. Ma première rencontre littéraire avec Beigbeder, comme bien des gens, a été ce roman complètement déjanté, empreint d’une réalité cynique du monde des publicités, 99 francs. Pop culture, best life des 90’s, pessimiste et réaliste sur le monde du marketing, 99 francs est, pour moi, le deuxième roman que j’ai le plus lu et relu après L’orange mécanique d’Anthony Burgess.
Pour mon conjoint et moi, 99 francs est un classique. Travaillant tous les deux en marketing, le livre comme le film est pour nous une référence. Nous nous y reconnaissons, car les agences marketing des années 90 et celles d’aujourd’hui se ressemblent. Le modèle a peu évolué, les médiums de diffusion ont changé, mais la formule est très similaire. Les clients sont très semblables et les situations vécues nous donnent des sensations de déjà vu. Ironiquement avec le sujet, j’ai parlé dans un TikTok de 99 francs.
Chaque fois que Frédéric Beigbeder lance un livre, je l’achète. Récemment, Bibliothèque de survie a été ma lecture de chevet et fut même cité dans mon essai Haters je vous aime. Pour moi, Bibliothèque de survie montre parfaitement où nous sommes rendus avec la littérature et c’est en soi une bonne leçon de culture et de littérature.
Beigbeder, à travers ses différents livres, est capable de nous parler de la pop culture en faisant un parallèle avec l’œuvre de Céline ou d’un auteur plus contemporain. C’est ce qui, à mon avis, fait le charme de Beigbeder, la riche culture littéraire, sa culture générale et ses expériences de vie colorés qu’il transmet au travers de ses écrits, réflexion et bien entendu entrevues.
Si la littérature devient aussi beige qu’un gruau, c’est que le gros plan a été mis sur des statistiques plutôt que des messages et de très bonnes histoires.
En 2019, j’ai failli signer avec une maison d’édition, non pas en raison du contenu de mon livre qui est toujours en cours de rédaction en 2022, mais en raison de mes statistiques sur Instagram. J’ai trouvé cela aberrant que la littérature soit devenue un produit fast-food basé sur des chiffres et des métriques vaniteuses.
Pourtant, je me souviens de mon adolescence, au début des années 2000, le livre à lire, pour tout adolescent, était Harry Potter. Toutefois, Harry Potter a permis de faire renaître un genre littéraire et d’augmenter la vente des livres du Seigneur des anneaux, un classique de la littérature fantastique.
Avec les Bridgerton, on devrait présenter juste à côté Madame de Bovary de Flaubert, La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne et Les liaisons dangereuses par Pierre Choderlos de Laclos. Pour moi, cette sélection de livres est sensée et c’est ainsi que nos jeunes vont découvrir l’histoire littéraire et des classiques. Consommant plus de vidéo que jamais, il faudrait mettre la culture et la littérature de l’avant sur ces plateformes, ce que les maisons d’éditions ont compris pour vendre les nouveautés aux détriments des classiques littéraires.
De l’équilibre
Bien que je sois de l’avis de Beigbeder sur le manque général de culture et que nous sommes en train de créer une génération d’inculte, je crois que c’est à nous de faire découvrir les classiques littéraires à la jeunesse et d’utiliser les plateformes numériques tel que TikTok pour faire découvrir des classiques aux jeunes. Je verrai parfaitement un TikTok en formule « vous avez aimé Fifty Shades of grey, voici des suggestions sous la même thématique » et on y présente de bon vieux classiques du Marquis de Sade, Justine ou encore Juliette, Histoire d’O de Pauline Réage et un peu plus contemporain, Les infortunes de la belle au bois dormant d’Anne Rice.
Et cette formule peut s’exercer à toutes les sauces. Si la culture et l’histoire ne sont pas sur TikTok, c’est que les gens de culture, démarche scientifique et histoire sont peu présents sur cette plateforme.
Pourtant, Netflix a su faire revivre un bon vieux classique littéraire, Arsène Lupin et augmenter les ventes du livre et de nouvelles impressions, car dans la série, on parlait des livres d’Arsène Lupin. Mes Culpa, je me suis empressée d’acheter les livres d’Arsène Lupin, suite de la série. J’en avais lu un peu, il y a fort longtemps, écouté la série m’a influencé à acheter les livres, tout comme la série La servante écarlate m’a donné le goût de lire et relire Margaret Atwood au grand complet.
Les librairies et les auteurs devraient être BookTok
Les librairies et les auteurs auraient avantage à être sur TikTok. J’imagine parfaitement Beigbeder nous faire la recommandation de livre ayant influencé son travail ou ce qu’il a lu dimanche dernier pour ensuite bifurquer sur son dernier livre et nous faire découvrir son bagage littéraire.
J’imagine une librairie nous vendant en quelques mots un livre et nous dévoilant uniquement le titre à la fin. Je vous montre quelques exemples :
» Histoire fantastique d’un savant créant un sérum le transformant en monstre! C’est ce que propose le livre Dr Jekyll et M. Hyde! »
« Dans un monde futuriste, les livres doivent être brûlés par des pompiers. Il s’agit de 451 Fahrenheit « .
« Livre parlant du prolétariat dans les années 1880 au travers d’un personnage travaillant dans les mines! Germinal d’Émile Zola! »
Et on peut continuer pendant des heures à résumer des classiques à une ou deux phrases pour décrire et faire découvrir des classiques littéraires.
Dans les bonnes pratiques TiKTok, autour du Booktok, il y en a. Je pense à cette librairie québécoise Lire et Relire où on présente des top livres ou des œuvres moins connues. Le compte est dynamique et intéressant à suivre.
On peut également apercevoir des comptes de France Culture ou des Tiktokeur racontant des histoires très sombres de l’histoire. Bien dommage que ces derniers ne soient pas aussi suivis que le dernier booktok insipide et bien beige.
Il ne faut pas accuser TikTok de tous les maux de la génération consommant de la littérature fast-food, il faut plutôt blâmer le manque d’action et de transfert de savoir qui a mené à une génération qui ne lit pas. La littérature a longtemps été considérée comme élitiste. Encore aujourd’hui, la littérature est conçue pour une certaine classe sociale. J’ai rarement vu quelqu’un de la classe prolétaire lire autre chose que le best-seller du moment. Issue moi-même de parents de la classe prolétaire haute-moyenne, ma mère lisait le dernier Danielle Steeles et des catalogues, alors que mon père lisait des bandes dessinées et le journal. Ma curiosité littéraire a été développée avec l’éducation scolaire classique d’un collège privé et plus tard par un socianalyste partageant cet amour que j’avais pour la littérature.
C’est à la société de privilégier la culture et le savoir plutôt que la médiocrité et ça doit commencer dès maintenant sur les médias sociaux pour préserver un savoir culturel et littéraire. Chaque livre accompagne une époque, son histoire et ses mœurs, peut-être que notre époque est plus tranquille en matière d’histoire et de culture, en se basant principalement sur les développements technologiques et les performances.